« Le Seigneur fit pour moi des merveilles » c’est ainsi que Marie notre mère et mère de l’humanité chante la louange du Seigneur et nous trace le chemin, le vrai, celui de l’espérance. Mais en s’engageant dans ce chemin ne pourrions-nous pas nous aussi nous interroger sur la merveille que le divin créateur a fait de nous ? Sommes-nous conscients de la merveille d’« être » des humains occupant une place à part dans la création ? Car c’est quoi « être » tout en sachant que cette existence est limitée dans le temps, que les humains sont les seuls êtres à éprouver l’angoisse de la mort, et que l’homme est le seul ETRE à avoir la conscience d’ « être » . Alors suffit-il d être une merveille de la création ou faut-il être pour agir ? Schopenhauer écrit : « l’ émerveillement constant de l’espèce humaine devant le cycle de la vie la pousse à chercher des réponses à la question pourquoi elle existe et pourquoi elle lutte avec la certitude d’être vaincue », sauf qu’on peut dire aussi que l’homme « est » par ce qu’il fait, c’est-à- dire par son « agir ». Cette place particulière nous la devons à une merveille dont le Seigneur nous a pourvus, merveilleux outil nous permettant d’agir pour faire le bien, (mais hélas aussi le mal) c’est le langage. C’est le langage articulé qui ouvre notre cerveau à la pensée, puis de transmettre la pensée par tout un système de communication et partant d’accroître la connaissance et de la développer ; de créer des concepts au-delà des simples besoins vitaux, d’inventer d’autres véhicules de l’agir et de la réflexion comme la science, les Arts sous toutes leurs formes, les lettres comme sublimation du langage, bref de créer des civilisations qui nous élèvent comme l’écrit le poète Baudelaire : « Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées, des montagnes, des bois, des nuages, des mers. Par delà le soleil, par delà les éthers, par delà les confins des sphères étoilées, mon Esprit tu te meus avec agilité »… Toutefois créer des civilisations implique d’agir pour les défendre car elles sont mortelles et l’Histoire prouve qu’elles cèdent devant la barbarie. Ainsi en est-il de la France à qui Jean Paul II avait un jour posé la question : « France fille aînée de l’Eglise, qu’as-tu fait des promesses de ton Baptême » ? Que devient ce pays phare de la chrétienté qui après avoir résisté victorieusement à tant de fléaux ne semble plus en mesure de transmettre car il a vilipendé ses enracinements et son goût du sacré. L’église au centre du village tombe souvent en ruine et ne fédère plus son peuple désormais remplacé par une population , autrement dit le qualitatif a disparu au profit du quantitatif. Qu’a donc fait la France de la merveille que le Seigneur fit pour elle ? Une quantité qui éclate en multiples communautés d’appartenance vivant au présent, rien qu’au présent, sans aucun sens de la continuité historique. Le sens du sacrifice au nom de l’intérêt général n’appartient plus qu’au musée des souvenirs. Les idéaux supérieurs pour lesquels il fallait savoir mourir sont devenus des slogans réactifs et démagogiques pour sauvegarder ce qu’on appelle vulgairement la paix sociale. Les luttes d’aujourd’hui ne se font plus que pour l’attribution de nouveaux droits, toujours des droits, à des minorités disparates périodiquement coalisées par l’irrépressible manie de contester, ignorant superbement qu’un droit est la contrepartie d’un devoir. Les homériques combats d’autrefois pour conquérir la liberté ou la démocratie, ne mobilisent plus que pour faire triompher le « Moi » dans une société de plus en plus individualiste confondant l’ hédonisme débridé et l’égalitarisme avec l’égalité. Cette crise de la culture que nous vivons ici touche-t-elle aussi Madagascar ? Peut-être dans une certaine mesure ; aussi avons-nous plus que jamais besoin de confier à la Mère du Christ pour qui « le Seigneur fit des merveilles » ce cher pays pour qu’après la pénombre du crépuscule elle y fasse poindre la lumière de l’aurore.

Grégoire ANDRIANTSALAMA