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PETITES RÉFLEXIONS DE TEMPS DE CARÊME

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OlomBaovao N°119

Les Communautés de Troyes et d’Evry unies par une amitié

privilégiée, forgée depuis quelques années de partage

fraternel, ont participé ensemble à une Récollection au cours

du premier dimanche de carême à Sens (Yonne) chez

« Famille Missionnaire de Notre Dame » où elles reçurent en

plus des enseignements du Père Jean Berlin Mahaligny ceux,

également très enrichissants, des Frères et Sœurs de cette

congrégation.

Week-end de réflexion sur la conversion, la foi et les œuvres,

la nécessité et la force de la prière et tout cela dans une

atmosphère de recueillement tellement intense que chaque

participant avait éprouvé le sentiment que l’Esprit de Dieu

nous enveloppait de sa présence aimante.

Cet article n’a pas pour objet de reproduire ici le contenu de

cette récollection. Chaque retraitant ayant déjà absorbé dans

l’intimité de son âme toute la nourriture spirituelle qu’il a

reçue au cours de ces deux jours. Je prendrai plutôt la liberté

d’orienter ma réflexion dans un domaine profane qui m’est

plus familier que le discours théologique réservé aux

personnes habilitées par le sacrement de leur ordination.

Je tenterais un questionnement sur notre envie de chercher

à comprendre et à approfondir notre foi dans notre vie de

croyant interpellé par le sens du bien et du mal dans ce

monde de plus en plus déchristianisé du XXIème siècle

débutant.

André Malraux

a dit :

« Le XXIe siècle sera spirituel ou ne

sera pas ».

Il s’agit d’un espoir prophétique et visionnaire, né

d’une certitude : « C’est très rare qu’une civilisation ne se

fonde pas sur des valeurs spirituelles. » Mais de quelle

spiritualité s’agira-t-il ?

La spiritualité invoquée par Malraux ne doit pas être

entendue comme retour des religions puisque nous

constatons hélas la désaffection à l’égard des Eglises que

compense mal la vogue des sectes.

Il s’agirait, et vous le constatez chaque jour un peu plus, de

l’attrait d’autres formes d’aspiration à un

« ailleurs »

et à un

«

autrement

» ; à d’autres quêtes de sens et d’éternité comme

antidote au mal-vivre du siècle. Et tout ceci nous a conduits à

poser des questions sur un peu tout et bien entendu sur

Dieu !

Comme dit plus haut, ma réflexion de profane n’a rien à voir

avec la théologie, elle m’est simplement inspirée par la

lecture de quelques philosophes parmi lesquels Spinoza et

Leibniz..

Pour

Spinoza

les humains sont trop portés « à croire

facilement ce qu’ils espèrent, difficilement ce qu’ils

redoutent » ce qui signifie que la foi et l’espérance ne

comptent pas autant que l’effort d’être, et cet effort prend le

nom de « désir ».Pour lui

l’homme est un être de désir

. Désir

qui ne vient pas d’un manque ou d’une frustration mais désir

d’agir. Désir d’exister, d’être joyeux. Son « Ethique » est un

traité de l’effort de vivre, de la joie, de l’amour. S’il admire

« l’ esprit d’amour du Christ », il ne croit pas en sa divinité.

Pour lui

d

ieu est

immanent

(1) à tout ce qui existe « deus sive

natura » - dieu est dans la nature (les hommes, les animaux,

les végétaux , les rochers etc.) et ce n’est pas dans le ciel vide

qu’il faut trouver des règles de conduite mais dans l « Ethique

de la joie »

Ceci nous fait comprendre pourquoi l’homme sans Dieu sort

de son vertige ontologique(3) pour orienter sa quête de sens

ailleurs que dans l’Eglise. Il s’agirait donc d’une autre

religiosité et d’une spiritualité contre la religion de son

ancienne culture et de son ancienne civilisation.

Leibniz

en revanche croit en un

D

ieu

transcendant

,(2) le

Dieu auquel nous chrétiens, malheureusement devenus

minoritaires dans la société occidentale d’aujourd’hui,

croyons.

Pour Leibniz Dieu est l’Architecte de la nature. Il a créé non

pas le meilleur des mondes possibles, disent certains, ce qui

supposerait l’existence d’autres possibilités. Non, il a créé le

« seul monde possible ». Et ce monde est forcément bon. Ce

qui a provoqué une question d’un retraitant. – Dieu qui est

bon a-t-il créé le bien mais aussi le mal ?

Et là j’ai osé prendre la parole pour tenter une explication.

Dieu infiniment bon, ne pouvait pas créer le mal. Sinon il ne

serait pas bon ! … Si nous voyons le mal c’est parce que nous

voyons mal .Nous sommes dupes de nos perceptions, c’est-à-

dire de notre « mal-voir ». Prenez l’exemple d’un tableau de

maître que nous regardons à 10 cm de nos yeux. Que voyons

nous d’autre qu’une vilaine croûte…Or si nous nous

éloignons du tableau nous voyons apparaître un chef-

d’œuvre. Autrement dit notre mal voir est aussi dû à notre

incapacité à prendre la distance nécessaire devant les choses !

Pour terminer je citerai

Hannah Arendt

(philosophe juive)

qui, ayant assisté au procès du nazi Eichmann pour tenter de

comprendre l’origine du totalitarisme a déclenché une

polémique mondiale en créant son concept de

« banalité du

mal ».

Pour elle ce criminel nazi n’avait aucune conscience de

faire le mal en exécutant avec un soin méticuleux les ordres

horribles qu’il a reçus. Il n’a pas été capable d’aller au-delà de

l’impératif de l’obéissance ni d’identifier sa propre volonté au

principe et à la source de la loi Vous touchez ici les limites de

ma capacité à disserter sur le bien et le mal)

Grégoire ANDRIANTSALAMA